CINTRAGE NORSKA

Mon grand-père aurait fabriqué sa canne avec une branche de noisetier, fraîchement coupée, chauffée sur la cuisinière, puis cintrée autour d’une casserole, gouttière ou quelconque tuyau pour donner la courbure de la poignée. Simplicité…

Nos aïeuls construisaient voiliers et navires avec des branches d’arbre courbes soigneusement choisies en forêt qui épousaient la courbure de l’élément souhaité. Du bois de marine. Un rapport au temps, à la nature oublié…

D’autres techniques ensuite ont suivies, toute inspirent un même geste, celui du mouvement, de l’élan.

Le bois courbé nous touche, il est arabesque de nos parts vivantes.

Le cintrage du bois est un processus fascinant. Les possibles qu’il offre dans la recherche formelle sont inépuisables.

Le cintrage étuvé à la vapeur contient ceci de vibrant. Par la chaleur et l’humidité, la matière se transforme, devient plastique, se modèle, se donne. Lorsqu’on l’invite à épouser un gabarit, une courbure, les fibres glissent, plissent, frémissent. Pour, une fois refroidies et séchées, conserver cette nouvelle forme.

Une conscience modifiée de la matière comme chrysalide, qui permet sa métamorphose vers un état nouveau, une posture nouvelle, belle et inspirante.

Le processus de l’étuvage me ramène à l’essentiel, à la base, au vivant, à l’organique. Je le vis comme un processus qui m’apaise, me centre et me nourrit. Ces sont toutes mes parts vivantes qui se reconnectent et se mettent au service de la magie de la création. Au service de plus grand que moi.

J’y vois en cela un processus de reconnexion puissant, retour aux sources, guérison.

Un moment sacré.

L’intense et le fébrile, la force et le fragile.

Tous mes sens sont en éveil. L’odeur des vapeurs, l’écoute du cintrage, le toucher de la matière, le plaisir des courbes pour les yeux, et la joie du partage.

Le cintrage à l’étuve c’est un voyage dans le temps, un voyage au cœur de la matière bois, ces cellules, ces essences, ce matériau vivant qui donne tellement à notre terre.

L’Arbre. Ce frère millénaire qui voit passer notre humanité.

Alors je veux l’honorer, le toucher, l’enrouler,

Le sentir, le dire, le cueillir.

Qu’il sonne, se façonne et se donne !

De l’or fibreux entre mes mains.

Je crie, je ris, je pleure.

Le bois, ma chair…